Mobiliser la vulgarisation pour la sécurité alimentaire -2-
Comme de coutume, le 1er octobre 2013, le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, célèbre la 20ème édition de la Journée nationale de la vulgarisation agricole, sous le thème : » L’agriculture durable : base de la sécurité alimentaire ».
Cette manifestation à caractère national que le secteur agricole organise annuellement, se tiendra à quelques jours avant la célébration par l’Algérie, le 21 octobre, de la Journée Mondiale de l’Alimentation, sous le thème retenu par la FAO : » Des systèmes alimentaires durables au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition « .
La Journée de la vulgarisation qui constitue un espace de communication et d’échange d’expériences en matière de développement agricole et rural, coïncide, cette année avec une phase où l’agriculture algérienne enregistre un tournant décisif pour sa modernisation, dans la mesure où l’occasion voit également la mise en application sur le terrain, d’un autre vaste chantier-programme d’investissement en l’homme, principal artisan du développement : » Le Programme de Renforcement des Capacités Humaines et d’Assistance Technique, le PRCHAT » qui, de surcroît, constitue le 3ème pilier de la politique du renouveau agricole et rural.
Pour l’histoire, la Journée Nationale de la Vulgarisation Agricole, institutionnalisée depuis 1994, est devenue une tradition, célébrée le 1er Octobre de chaque année et ce n’est pas fortuit de choisir cette date, car elle coïncide avec le lancement de la campagne annuelle agricole, autrement dit, une rentrée sociale pour les professionnels du monde agricole. Cela étant, disons, dans le sillage de cet évènement d’émulation, que les sociétés rurales doivent aujourd’hui s’adapter à un monde en évolution rapide et s’insérer dans des circuits économiques complexes tant en poursuivant leurs efforts pour assurer leur sécurité alimentaire, gérer et protéger les ressources et leurs territoires, qu’améliorer leurs conditions de vie, de santé, d’éducation et valoriser et conserver les patrimoines culturels : matériels et immatériels.
Pour relever ce défi, la communication pour le développement en zones rurales constitue un facteur stratégique. Les communautés rurales doivent disposer d’instruments appropriés qui leur permettent d’accéder aux informations et aux savoirs utiles d’entretenir un débat entre eux et avec leurs partenaires, d’échanger leurs expériences, leurs savoirs, leurs techniques et leurs pratiques. Le Programme PRCHAT, initié par le Ministère de l’Agriculture et du Développement s’inscrit, entre autres, en droite ligne dans cette optique de généralisation du savoir , du savoir-faire et de la connaissance, qui constituent de surcroît, les principaux ingrédients du progrès. La vulgarisation en tant que processus de communication qui du reste, constitue un système mouvant dans les zones rurales, doit s’inscrire dans de nouvelles perspectives en raison d’une part, du mouvement mondial des réformes de la vulgarisation, en ce sens que le concept d’hier attribué à la vulgarisation n’est plus le même aujourd’hui et qui de facto, prend une perception de développement et de facilitation que des formes techniciste et d’injection de nouvelles technologies et d’autre part, de la tendance de la conception actuelle de l’appui conseil et de ses multiples facettes d’application sur le terrain. Ce mouvement de réformes a d’ailleurs commencé à la fin du siècle dernier. D’une part, de nouveaux besoins en matière d’information et de formation des communautés rurales sont apparus au fur et à mesure que le monde entrait dans une ère de mondialisation, de démocratisation du développement et de libéralisation des initiatives. D’autre part, l’importance accordée au concept de développement intégré, multidisciplinaire, global et durable, constitue, à l’heure actuelle, un fait majeur d’orientation de la fonction communication et vulgarisation.
Ces évolutions déterminent de nouveaux besoins en matière d’apprentissage, de maîtrise des processus managériaux à travers de nouvelles approches, de méthodes et d’outils d’aide à la décision pour lesquels, la vulgarisation, l’assistance technique, in extenso l’appui conseil, deviennent une nécessité de première importance, dans la mesure où il est établi universellement que la réussite de toute politique agricole et rurale est liée à : (1) un dispositif réglementaire, juridique, financier et de soutien économique, efficient et (2), à un système de communication et de vulgarisation destiné aux populations rurales, à la fois, puissant et performant. Aussi, la problématique qui se pose aujourd’hui est telle que les nouvelles mutations qu’a connues le monde agricole et rural, tant à l’échelle nationale qu’internationale, induisent une nouvelle perception et une orientation du mode d’intervention dans l’approche de vulgarisation, d’assistance technique et de l’appui conseil. Ces nouvelles donnes constituent des éléments de réflexion sur l’orientation future à donner à la vulgarisation en tant que processus de communication. Il s’agit de savoir quels sont les principes, les approches, les méthodes et les outils pour une formulation efficiente d’une politique de vulgarisation adaptée et adaptable, tout en se fiant à cette idée que toute politique est élastique et que la vulgarisation doit suivre l’élasticité de la politique agricole dans le temps et dans l’espace.
La vulgarisation agricole : mutation et changement
Ici, arrêtons nous un laps de temps pour dire qu’à l’échelle mondiale, la dernière étude effectuée par la FAO sous la Direction du professeur B.E Swanson, sur les systèmes de vulgarisation remonte à plusieurs décennies. Depuis, beaucoup de changements sont apparus dans les systèmes de vulgarisation partout dans le monde, se traduisant par une tendance progressive vers la privatisation, la décentralisation et la commercialisation des services, par un recentrage dans le contenu et la méthodologie d’intervention, et une meilleure participation des organisations des producteurs.
Cependant, en dépit de l’importance et de l’ampleur des changements, il n’existe pas, à l’heure actuelle, une documentation globale complète sur l’état actuel des systèmes de vulgarisation dans le monde. Aussi, l’actualisation des données, à ce propos, aidera à comprendre les besoins pour l’assistance technique et pour les investissements dans des systèmes de vulgarisation afin de les transformer et les renforcer davantage pour atteindre les objectifs escomptés.
Cela fait qu’il existe actuellement un besoin énorme de mobiliser les services de vulgarisation agricole en faveur de la sécurité alimentaire et atteindre une grande variété d’objectifs de développement agricole et rural. Des efforts sont aujourd’hui indispensables pour améliorer l’accès aux nouvelles technologies et la connaissance sur ces dernières, de s’assurer que les exploitants agricoles soient en mesure de travailler dans un environnement où les marchés évoluent, afin de leur permettre de comprendre les nouveaux défis et la manière efficace par laquelle, ils peuvent exploiter de façon optimale, les ressources disponibles en vue de satisfaire les exigences alimentaires de leurs familles et qui se répercute sur la sécurité alimentaire à l’échelle globale, c’est-à-dire de la nation toute entière . La tendance actuelle est qu’on devient, à l’échelle planétaire de plus en plus conscient qu’un nombre important de réformes requises dans les domaines du développement agricole et rural et de la sécurité alimentaire, ne seront efficaces que si des institutions de vulgarisation, de conseil, d’appui et d’assistance efficients soient en mesure de fournir la base de soutien nécessaire pour que les populations rurales aient accès aux marchés, aux savoirs, aux informations et aux technologies et influencent les politiques qui affectent positivement leur vie.
Aujourd’hui, la vulgarisation à travers le monde, et, en Algérie également, commence à faire partie de l’agenda des nouveaux cadres institutionnels. Cependant, pour définir son rôle dans les structures, il faut se fier à cette idée que, seule, la vulgarisation n’est pas une solution, mais une mesure pour trouver les solutions. En raison de la nature complexe des fonctions, des tâches et des rôles de la vulgarisation dans le cadre des systèmes agroalimentaires et de la gestion des ressources naturelles, une perspective plus intégrée et requise pour assurer à la vulgarisation son rôle de facilitation et sur comment elle s’associe avec les nouveaux investissements dans le domaine de la recherche et dans d’autres services ruraux, avec les nouveaux types de programmation participative dans laquelle, les exploitants agricoles sont les concernés en premier chef. Il faut par ailleurs, souligner que, la réforme de la vulgarisation a été longtemps entravée par des idées désuètes qui la considéraient comme une voie passive du transfert des technologies, allant de la recherche aux agriculteurs. La faiblesse des liens avec la recherche a fait en sorte que, même s’il était souhaitable, ce rôle de transfert de technologies à sens unique n’est pas toujours viable. Une nouvelle relation avec la recherche agricole commence néanmoins à se dessiner même si les contours de ce nouveau système ne sont pas bien définis. Dans ce contexte, et se nourrissant de la recherche, disons que quelque soit le travail de vulgarisation et de communication en milieu rural, celui-ci fait partie d’un processus de développement et ne peut être, de ce fait, considéré comme une activité isolée mais insérée dans le cadre d’une stratégie de promotion des zones rurales.
Par Mohamed KHIATI, Agronome – Les Débats
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