Le tarissement est le tremplin de la lactation
Le tarissement est une période délicate pour la vache, exposée à un déficit énergétique, une baisse de sa calcémie et de son immunité.
Des phénomènes naturels qui doivent être maîtrisés pour ne pas pénaliser la lactation à venir.
Le tarissement est une période improductive qui a un coût et n'est pas forcément facile à gérer en élevage. Est-il toujours indispensable ? Pour les vétérinaires du GTV Bretagne, la réponse est oui sans aucune ambiguïté. Qu'il s'agisse de régénérer les lactocytes — cellules productrices du lait — ou les papilles du rumen, de faciliter l'assainissement de la mamelle ou encore d'assurer la fabrication du colostrum, la mise en oeuvre d'une période sèche est incontournable, ont-ils rappelé. Et l'éleveur a tout intérêt à y être très attentif car la gestion de ce tarissement conditionne largement ce qui va se passer après, pour la vache en termes de production, reproduction et santé, mais aussi pour le veau.
« Le tarissement, et plus particulièrement le péripartum — trois semaines avant à trois semaines après vêlage — est caractérisé par trois grands phénomènes : un déficit énergétique, une baisse de l'immunité et une hypocalcémie. Ces phénomènes sont naturels et quasi inévitables, explique un vétérinaire. La gestion de la période sèche doit permettre d'en maîtriser l'ampleur pour éviter qu'ils ne basculent vers des pathologies, métaboliques mais aussi infectieuses, comme les mammites ou métrites. »
La conduite du tarissement conditionne largement ce qui va se passer après, pour la vache et son veau.
1 - Hypocalcémie: contrôler le Baca avec le pH urinaire
L'hypocalcémie est souvent considérée sous l'angle des fièvres de lait et vaches couchées. « Mais même une vache qui reste debout peut être en hypocalcémie, subclinique, avec des conséquences négatives sur sa santé et ses performances. Pour une fièvre de lait, on a six ou sept hypocalcémies subcliniques », évalue le vétérinaire. Et cette hypocalcémie est un facteur de risque de nombreuses affections. Elle réduit la contractilité des muscles lisses de l'utérus, du sphyncter du trayon avec, à la clé, des vêlages plus lents, des risques de rétentions placentaires, métrites mais également de mammites.
D'autant que l'hypocalcémie pénalise également l'immunité.
La vache en hypocalcémie subclinique est fatiguée, passe plus de temps couchée donc moins de temps à
manger (environ 1 kg de MS en moins consommé par jour) avec une production pénalisée. Du fait de leur moindre ingestion, ces vaches maigrissent davantage, avec un risque d'acétonémie accru et des résultats de fécondité en baisse. rhypocalcémie pénalise aussi la quantité et la qualité du colostrum, et la montée laiteuse, souligne le vétérinaire.
Les mesures de prévention existent, notamment par la maîtrise du Baca (Bilan alimentaire anions-cations) de la ration. Avant vêlage, il doit être négatif pour favoriser l'augmentation du calcium sanguin (en stimulant la parathormone et en favorisant la mobilisation du calcium osseux et digestif). « Et l'éleveur a un moyen simple de voir si sa ration est adaptée, en mesurant le pH urinaire de ses vaches taries avec des bandelettes. Dix jours avant la mise bas, ce pH doit être inférieur à 8, proche de 7 à 7,5. » Si ce n'est pas le cas, l'éleveur peut ajouter 50 g de chlorure de magnésium - bien mélangé à la ration car peu appétent - ou de sels commerciaux. L'évolution du pH est mesurable 3 à 5 jours après le changement de minéral.
Le PH urinaire est un moyen simple de contrôler le Baca. En fin de tarissement, ce pH doit être inférieur à 8.
2 - Des papilles bien développées pour absorber les acides gras volatils
Maîtriser le déficit énergétique est un autre enjeu de la conduite du tarissement. Les vaches grasses étant sujettes à de nombreuses maladies métaboliques, l'une des priorités de la période sèche est de ne pas avoir d'engraissement des animaux. C'est ce qui justifie d'avoir en début de tarissement une ration à faible densité énergétique et fibreuse, de façon à ce que le rumen conserve un maximum de volume.
Mais en fin de période sèche, les besoins de gestation augmentent alors que la capacité d'ingestion, elle, diminue, notamment du fait de la place prise par le veau et les annexes. La baisse d'ingestion en fin de tarissement par rapport au début est d'environ 30 %. Même si l'éleveur n'en est pas forcément conscient, « l'amaigrissement physiologique débute environ deux semaines avant vêlage ». Il y a donc nécessité d'augmenter la concentration énergétique de la ration avant vêlage, c'est l'objet de la phase de préparation au vêlage.
L'augmentation de la densité énergétique sur les trois dernières semaines de tarissement par l'apport de concentrés est également indispensable pour permettre le développement des papilles du rumen qui ont régressé en début de tarissement. Et ces papilles sont essentielles puisque ce sont elles qui assurent l'absorption des acides gras volatils (AGV), donc la valorisation de la ration. Si les fourrages utilisés au tarissement et en lactation sont différents, c'est également le moment de les réintroduire de façon à ce que la flore du rumen s'y adapte. L'idéal est cependant de garder un fond de cuve, en distribuant au tarissement le même fourrage que celui qui sera utilisé en lactation, mais en quantité réduite et complété par des fourrages fibreux, foin ou paille.
Le régime du tarissement doit permettre de préserver le potentiel d'ingestion de la vache, sans qu'elle engraisse.
À chacune sa durée de tarissement
Le tarissement est incontournable. Sa suppression entraîne notamment une baisse de production sur la lactation suivante d'environ 20 % et ne permet pas la fabrication du colostrum, indispensable au veau et qui nécessite 25 à 30 jours en fin de gestation. « Mais toutes les vaches n'ont pas forcément besoin d'être taries pendant deux mois. » Un tarissement plus court, de six semaines, écrête un peu le pic de lactation, en limitant ainsi le déficit énergétique et les soucis métaboliques et de reproduction souvent associés. Il peut être bénéfique à des multipares sujettes à ce type de problèmes. Par contre, les primipares qui n'ont pas terminé leur croissance, les vaches qui arrivent infectées au tarissement ou les animaux maigres ont besoin de deux mois de période sèche.
|
Mise en garde Les trayons des taries ne sont pas forcément étanches. L'hygiène du logement des vaches taries est donc essentielle pour limiter le risque de nouvelles infections. En effet, l'arrêt de la traite entraîne la régression des lactocytes de la mamelle et la formation d'un bouchon de kératine destiné à obstruer le canal du trayon et empêcher la pénétration de pathogènes. Mais, d'une vache à l'autre, ce bouchon se forme à une vitesse variable, en fonction notamment du niveau de production au tarissement. « 7 jours après arrêt de la traite, seulement la moitié des vaches ont rendu leur bouchon de kératine hermétique, expliquent les vétérinaires. Et 60 jours après arrêt de la traite, 5 % des trayons n'ont jamais été bouchés. » Ensuite, pendant la fabrication du colostrum, les bouchons de kératine perdent aussi de leur étanchéité (sous l'effet de )'oedème mammaire et de la pression croissante dans la citerne). |
3- Les événements du tarissement sont imbriqués entre eux
« La maîtrise du déficit énergétique est essentielle pour la reproduction», rappelle le vétérinaire. En effet, lorsqu'on insémine 50 à 60 jours après vêlage, il faut avoir en tête que la sélection et l'évolution du follicule ont commencé 1,5 à 2 mois avant. Pendant cette période, le follicule grossit, développe des récepteurs aux hormones de l'ovulation (LH et FSH). En cas de déficit énergétique ou en présence de toxines liées à des infections comme les mammites ou métrites, la synthèse des hormones d'ovulation et le développement des récepteurs ne se font pas bien. En pratique, pour obtenir une ovulation de qualité, la perte d'état corporel entre le vêlage et le pic de lactation doit être inférieure à 1,5 point idéalement 1 point.
La baisse de l'immunité autour du vêlage est due notamment aux évolutions hormonales du péripartum sur lesquelles on ne peut pas agir. Mais elle peut être accentuée par différents phénomènes, notamment les carences en nutriments: vitamines anti-oxydantes E et A (et son précurseur le Béta carotène) et oligo-éléments (zinc, sélénium, cuivre, manganèse...) qui interviennent comme co-facteurs d'enzymes impliquées dans les méca-nismes de défense. Tous ces nutriments jouent un rôle majeur dans la lutte contre l'inflammation et la baisse de l'activité immunitaire. « Et s'il y a une période où l'éleveur doit être attentif à en assurer des apports suffisants c'est bien le tarissement.»
La baisse de la calcémie et le déficit énergétique aggravent également la baisse de l'immunité. En fait, tous les phénomènes physilogiques caractéristiques du tarissement sont imbriqués. Dans ce contexte de baisse d'immunité, on comprend facilement toute l'importance de l'hygiène du logement des vaches taries, du box de vêlage, de l'opérateur et des ustensiles en cas d'assistance au vêlage pour limiter au maximum la pression infectieuse. Il est également essentiel d'offrir à la vache tarie un maximum de confort, en limitant tous les facteurs de stress, au vêlage, bien sûr mais également avant. Les stress, en effet, génèrent la production de cortisol, qui a un effet négatif sur l'immunité déjà mise à mal en fin de gestation.
|
Le saviez-vous? « Contrairement à ce que l'on entend régulièrement sur le terrain, le sel, qui contient à la fois des ions chlorure et sodium n'influe pas sur le Baca », expliquent les vétérinaires. Il est conseillé de maintenir un apport de 20 g à 30 g de sel/vache tarie/jour. Par contre, il faut absolument éviter de donner aux taries du bicarbonate de sodium, au Baca très élevé (12000 meq/kg). 50 g de bicarbonate apportent ainsi 600 meq! Attention à l'alimentation des vaches taries avec les refus des laitières si ces dernières reçoivent du bicarbonate. |
Source : Réussir lait













