Conjoncture laitière

Publication : dimanche 19 octobre 2014

Benoît Rouyer (Cniel) : « La baisse des prix sera assez nette début 2015 »

Dans son analyse conjoncturelle mensuelle, Benoît Rouyer, économiste au Cniel, estime que les prix payés aux producteurs seront en nette baisse à partir de début 2015, en réaction à la dégringolade des prix mondiaux du beurre et de la poudre. Mais l'économiste n'exclut pas « un retournement favorable » dès le second semestre 2015. De son côté, les prix du lait réels et standards publiés par FranceAgriMer pour août 2014 confirment le maintien de prix élevés en France.

Benoît Rouyer, économiste à l’interprofession laitière, analyse les fondamentaux des marchés laitiers et leur impact sur les prix payés aux producteurs français.

Une baisse des prix du lait payés aux agriculteurs en 2015 ne sera que le résultat du déséquilibre entre l’offre actuelle et la demande de produits laitiers. En un an, la production laitière européenne a augmenté de 4,5 %. Celle de Nouvelle-Zélande a bondi de près de 10 %. « Le rythme de croissance de la production est actuellement beaucoup plus important que celui de la demande mondiale. »

L’embargo russe ne vient qu’amplifier la réaction des opérateurs du marché laitier mondial.

Si les cours mondiaux dégringolent depuis plusieurs mois, les prix payés aux producteurs français devraient être en assez nette baisse à partir de début 2015. Mais, pendant combien de temps ? Quelle sera l’ampleur de la baisse ? « Impossible de le dire aujourd’hui », répond Benoît Rouyer.

VERS UN REMAKE DE 2009 ?

Même réserve de la part de Gérard You,responsable du pôle Economie des filières à l'Institut de l'Elevage. Selon lui, « il est trop tôt pour dire que nous vivons les prémices d’une crise d’ampleur semblable à 2009. Mais une telle crise n’est pas exclue. »

Mais, tempère l’économiste du Cniel, « un retournement positif du marché n’est pas à exclure pour le second semestre 2015 ». Car, selon lui, les fondamentaux du marché, avec une demande en croissance constante dans les prochains mois, restent « bien orientés ».

Rappelons que les prix en 2014 n'ont jamais été aussi élevés que ces cinq dernières années. D'ailleurs, ceux publiés par FranceAgriMer pour août 2014 s'inscrivent dans cette tendance haussière. Ils n'ont jamais été aussi élevés depuis la crise de 2009. 

Prix du lait en EuropeLe seuil de 400 €/1.000 kg franchi ni en France ni en Pologne depuis 2013

Au cours des dix-huit derniers mois, les éleveurs français n'ont pas profité pleinement de la bonne conjoncture des prix du lait. C'est en Irlande que celle-ci a été la plus favorable : les 1.000 kg ont été payés 448,70 € en novembre 2013. Le prix le plus élevé en France : 385,60 € en janvier 2014

Dernier des grands producteurs de lait européen ! C’est le score déplorable de la France concernant le prix réel du lait payé à ses éleveurs (1) au cours des dix-huit derniers mois. La France et la Pologne sont les deux seuls pays de l’Union européenne parmi les plus grands producteurs et exportateurs de lait où les 1.000 kilogrammes de lait payés aux éleveurs n'ont pas franchi les 400 euros. C’est ce que révèlent les statistiques communiquées par la Commission européenne.

Le prix réel du lait a été le plus élevé en Irlande où les 1.000 kilogrammes ont atteint en moyenne 448,70 € en novembre 2013 tandis qu'en France, ils étaient payés 365,50 €. Ce qui est un niveau de prix d'autant plus faible que le niveau de vie en France est plus proche de celui des consommateurs irlandais que de celui des Polonais!

Le prix du lait en France était le plus élevé en janvier 2014 (385,60 €/1.000 kg) quand il était encore supérieur à 400 €/1.000 kg dans les cinq autres pays producteurs du nord de l’Europe.

Au cours des dix huit derniers mois, le prix du lait payé aux producteurs français était même à peine plus élevé que celui en Pologne alors que les niveaux des charges, des prix à la consommation et des salaires restent encore inférieurs à ceux en vigueur en France !

Prix du lait en Europe

L’analyse de l’évolution du prix du lait révèle une plus forte réactivité des prix aux cours mondiaux des produits laitiers dans de nombreux pays. L’élasticité est la plus forte en Irlande. En revanche, les modalités de fixation du prix du lait ne permettent pas aux producteurs laitiers français de profiter pleinement de la conjoncture. Il semble même que la saisonnalité des prix du lait pratiquée en France les desserve car elle a ralenti leur progression en 2013 et accentué leur repli au printemps dernier. Les éleveurs se consoleront en notant cependant l’évolution à contre-courant du prix du lait depuis le début de l’été par rapport à la tendance générale observée dans les autres pays européens.

 

En attendant, les politiques de prix plus avantageuses en Europe du Nord représentent un manque à gagner important pour les Français. L’excédent commercial de produits laitiers en forte hausse ces douze derniers mois ne leur profite pas. La valeur ajoutée des produits vendus n’est décidément pas répartie équitablement entre les acteurs de la filière.

Source: Terre-net Média

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